Trop de sexisme dans les jeux vidéo français ?

Un amendement a vu le jour pour sanctionner les jeux vidéo "sexistes" développés en France. Ça sent le sapin...

Saviez-vous que le 08 janvier 2016, dans le cadre de la loi sur le numérique, un amendement avait été déposé par huit députés du PS afin d’écarter les jeux vidéo sexistes ? Eh oui, la loi sur le numérique a déjà fait couler beaucoup d’encre et il serait aujourd’hui question de mettre hors-jeu les studios « machistes », un nouveau dispositif fiscal ayant récemment été conçu pour soutenir l’industrie française du jeu vidéo.

L’idée est donc de ne pas permettre aux entreprises françaises de développement, d’édition et/ou de distribution de jeux vidéo vendant des produits misogynes de bénéficier du fameux crédit d’impôt pour dépense de création de jeux vidéo (on parlera de CIJV). Si cette volonté est plutôt logique – avouons que le jeu vidéo, tout comme le cinéma et la publicité, n’est pas irréprochable en matière d’égalité des sexes –, il est je pense plutôt déplacé de pointer du doigt les entreprises françaises, qui n’ont je trouve jamais vraiment véhiculé une image dégradante de la femme.

Le sexisme dans le jeu vidéo, oui, ça existe

S’il est vrai que peu d’héroïnes me viennent à l’esprit lorsque je pense aux jeux vidéo made in France, nos studios sont encore loin d’être aussi machistes que ceux implantés aux USA, voire même au Japon. La délicieuse blonde que vous pouvez admirer sur l’image de couverture de cet article n’est autre que Juliet Starling, personnage à l’effigie d’un jeu que j’adore, Lollipop Chainsaw, réalisé par le studio nippon Grasshopper Manufacture. L’homme qui est à la tête de ce studio, l’indémodable Goichi Suda, n’apprécierait certainement pas la mise en place d’un tel dispositif. Il faut dire que son titre, qui mêle humour ridicule, clichés faciles et autodérision, met en évidence une protagoniste aux seins parfaits, aux jambes méga élancées et au fessier sublimement modelé – en gros, le stéréotype de la pom-pom girl qui fréquente les lycées huppés d’Amérique.

Mais il existe des cas bien pires. Prenons par exemple Volition, Inc. et sa saga Saints Row. Dans le deuxième opus, le GTA-like axé sur la guerre des gangs proposait un DLC avec la star du porno asiatico-américaine Tera Patrick (s’agit-il de son vrai nom ? Je ne saurais le dire). Il était possible de prendre part à tout un tas de missions avec la pornstar, de quoi se laisser aller à toutes les fantaisies puisqu’elle était presque toujours dans le plus simple appareil. Très honnêtement, en ce début de siècle, l’hyper sexualisation des femmes est devenue un argument de vente et relève du marketing pur et dur. Après tout, le jeu vidéo n’est pas le seul secteur concerné. Ne voit-on toujours pas un bout de sein dans ces publicités qui vantent les mérites d’un gel douche ou d’un déodorant ? Et toutes ces téléréalités absurdes visionnées par des enfants de tous âges, vous n’allez pas me dire que les Nabilla et Ayem ont été élevées dans un couvent ? Il est donc juste de vouloir sanctionner les entreprises véhiculant une image dégradante de la femme, mais cela est en même temps profondément injuste quand on sait que cette pratique est courante depuis des décennies dans d’autres secteurs rendus extrêmement populaires. Je pense notamment à l’industrie du cinéma.

Existe-t-il vraiment des studios sexistes en France ?

Pour être honnête, en France, je n’ai pas le souvenir d’un studio de jeu vidéo rabaissant la femme comme s’il ne s’agissait que d’un simple objet de sexe. Il y a bien les lyonnais d’Arkane Studios et leur célèbre Dishonored, où les femmes sont réduites au rang de putains, de sorcières, de concierges ou de demoiselles en détresse mais il faut situer le contexte historique dans lequel se déroule le jeu – on se situe à l’époque victorienne, entre 1837 et 1901 pour être plus exact.

La députée PS de Vienne, Catherine Coutelle, s’en est personnellement prise à Ubisoft, firme certes française, mais qui est principalement basée au Canada, là où se trouve la quasi-totalité de ses studios de développement. Cette dernière a déclaré ce qui suit.

« Il y a soit fréquemment une absence complète de personnage féminin dans le jeu vidéo, comme dans Assassin’s Creed, ce qui est comme une sorte de refus de l’existence de la femme ; soit des héroïnes très érotisées, identifiées par leur physique, avec de grosses fesses et de gros seins pour le dire crûment, alors que les héros masculins sont tout à fait habillés ».

Madame le député a également ajouté avec pertinence qu’en France, d’après les études, il y a autant de femmes que d’hommes qui jouent aux jeux vidéo. Les propos de ce personnage politique sont louables si on les confronte à un jeu tel que Dishonored, c’est vrai. Mais dans Assassin’s Creed, saga qui a la délicieuse habitude de remonter dans le temps, de nous faire revivre les événements du passé, ces choix sont naturellement justifiés. Fermer les yeux sur la sous-condition de la femme dans l’histoire, c’est refuser une réalité qui a marqué la société dans son ensemble, tous territoires ou pays confondus.

Par ailleurs, en France, on est aussi capable de produire des jeux qui mettent la femme en évidence et la révèlent sous ses plus beaux atours. Life is Strange, une petite pépite que j’ai adorée et qui a été développée par le frenchy Dontnod Entertainment, ne peut laisser qu’un souvenir incommensurable à tout bon gameur qui se respecte. Ses deux héroïnes, Max Caulfield et Chloe Price, sont tout simplement sublimes. Le studio hexagonal a réussi à donner une âme extraordinaire à ces deux adolescentes imaginaires qui se situent pour le coup très loin des clichés habituels : elles sont débrouillardes, ce sont des aventurières, mais elles ont aussi des faiblesses qu’elles assument et combattent fièrement tout en restant solidaires. Life is Strange est clairement l’antithèse du sexisme dans le jeu vidéo. Dans le cas de Dontnod, qui est un petit studio qui vient tout juste d’éclore et qui a certainement besoin d’un financement pour accroître son développement, le nouvel amendement est une erreur : cela serait le meilleur moyen de mettre des bâtons dans les roues d’une entreprise française de jeu vidéo méritante, innovante et surtout respectueuse de la femme. En attendant, vous pouvez visionner cette petite bande annonce de Life is Strange réalisée à la manière d’un film hollywoodien par un fan américain .

PARTAGER SUR :

Facebook
Twitter
LinkedIn
Pinterest
Email

Publications suggérées

5 réponses

  1. Il y a beaucoup de vrai dans tout cela ! La condition féminine en prend un sacré coup… Heureusement que certains studios s’éloignent de ces gimmicks pour offrir de véritables personnages féminins intéressants.

    On en parle assez peu mais les hommes aussi en prennent pour leur grade : musclés et taillés en V, tantôt tombeurs de ces dames, tantôt pragmatiques à l’extrême…

    Finalement, nos produits de divertissements sont de véritables usines à clichés et idées reçues !

Laisser un commentaire

Je suis un gameur.com utilise des cookies. En poursuivant votre navigation sur ce site web, vous acceptez leur utilisation. Plus d’informations

Conformément au Règlement Général sur la Protection des Données (RGPD) et à la loi nationale en vigueur, vous êtes informés que vos données font l'objet de traitements. Pour plus d'informations, vous êtes invité à consulter les mentions légales et conditions d'utilisation du site, qui déterminent notamment quelles données sont collectées et traitées, dans quelles finalités (dont des activités de marketing et de prospection), qui en sont les destinataires et quelle est la durée de conservation. Les droits dont vous disposez ainsi que les modalités d'exercice de ceux-ci y sont également exposés.

Fermer