On continue sur la lancée des jeux indépendants, puisqu’après t’avoir vanté les mérites de Beholder 2 en janvier, c’est Mages of Mystralia qui passe sous ma loupe attentive (ma loupe de… détective de jeux indé ?). Je n’ai aucune idée de ce que je raconte, ça commence bien. Mages of Mystralia, c’est le premier bébé du studio montréalais Borealys Games, sorti d’abord sur PC en 2017, puis sur PS4, Xbox One et enfin sur Switch il y a deux semaines. C’est cette dernière version que j’ai testée, et si tu trouves que j’ai l’air confuse, c’est probablement parce que ce titre m’a posé une sérieuse colle. Est-ce que j’ai aimé ? Est-ce que je le recommande ? Est-ce que j’ai passé une semaine devant une page blanche intitulée « test de Mages of Mystralia » ? Est-ce que je vais être obligée de répondre à la fois oui et non à toutes ces questions ? Probablement. Nous remercions en tout cas Borealys Games pour sa confiance.
Mages of Mystralia, c’est quoi ?
Dans Mages of Mystralia, on contrôle Zia, une jeune fille qui découvre un beau jour qu’elle a des pouvoirs magiques. Sauf que l’univers dans lequel elle vit s’approche de notre Moyen Âge, et que là-bas non plus, on n’aime pas les sorcières. Par contre, elles sont quand même bien pratiques pour combattre le grand méchant qui veut devenir le maître du monde, donc Zia se retrouve dans une position sympa de type « On te déteste tous cordialement, sauve-nous, merci bien ». Pour que tu aies une vue d’ensemble, sache également que les sorts de Zia sont à créer en combinant différentes runes, et que pour l’ambiance, on est proche d’un Zelda avec des donjons, des quêtes et des monstres.
Place aux belles surprises !
Bien. Maintenant que tu as le contexte, commençons par les points positifs, ceux qui ont attisé ma curiosité et alimenté mon enthousiasme à la découverte de ce jeu. La première chose que j’ai retenue, c’est que la direction artistique est très belle. Je te laisse vérifier ça dans la bande-annonce, je trouve qu’ils ont fait un excellent travail au niveau des textures, de l’identité visuelle et du rendu général de ce jeu (mention spéciale à l’eau qui rappelle The Wind Waker et aux bulles de texte qui reprennent la police des bandes dessinées). Pareil pour la musique, qui est peut-être ce que j’ai préféré dans Mages of Mystralia. Elle a été enregistrée au studio de SoundtRec, interprétée par le Video Game Orchestra, et le résultat est très agréable à écouter, parfaitement en accord avec les graphismes et je ne m’en suis pas lassée une seule seconde. À tel point que la BO du jeu pourrait figurer dans Gaming Tempo !
On arrive à l’élément central du jeu, le système de création de sorts : je pense que c’est cette idée qui est à l’origine du projet (d’ailleurs, la notion de combinatoire revient dans plusieurs aspects du jeu) et elle est également très réussie. Pour faire simple, chaque rune que tu trouves applique un effet différent à tes sorts de base, et plus tu avances dans le jeu, plus les possibilités d’amélioration sont intéressantes. Ainsi, on peut se retrouver avec des boules de feu à tête chercheuse qui créent une explosion au contact, des tornades qui appellent d’autres tornades, des boucliers réfléchissants et tout un tas d’autres sorts à moduler selon tes besoins et ta façon de jouer.
Mais dis donc Jamy, il est où le problème alors ?
Eh bien mon cher ami, le problème c’est qu’après quelques heures d’aventure, j’ai eu l’impression que le jeu s’était perdu en route. C’est ce qui a pas mal compliqué la rédaction de ce test de Mages of Mystralia, parce qu’il m’a fallu du temps pour démêler ce que le jeu veut revendiquer, ce qu’il met en avant, et ce qui parasite le reste.
Les combats
Ce qu’on te vend, d’après la page Steam, c’est surtout un système de sorts original et riche : je te l’ai dit, je suis entièrement d’accord là-dessus. Mais du coup, je m’attends à ce que l’accent soit mis sur les combats, et malheureusement ils sont remplis de failles. Déjà, les ennemis sont très répétitifs (ils ont quelques défenses et des sensibilités liées aux éléments, mais ça reste très léger), et on peut toujours les battre en spammant le même sort. Ensuite, il y a des problèmes techniques qui gâchent pas mal l’expérience, typiquement une hitbox trop grande (les ennemis te frappent alors que tu es manifestement trop loin) et un temps de latence avant tes actions (qui devient un vrai enfer quand c’est doublé au fait que certains monstres t’assomment en te frappant, parce que tu ne parviens pas à ressortir de leur zone avant la prochaine attaque, et tu tombes dans un cercle vicieux qui s’achève par une division par deux de ta barre de vie). Le résultat, c’est que tu vas vite oublier la combinatoire, te crafter deux ou trois sorts de base et ne plus les changer jusqu’à la fin de la partie, tout simplement parce que rien ne t’y force.
Exemple : je découvre une nouvelle rune, je me dis que je vais changer mes sorts, je passe dix minutes à construire un sort hyper puissant, je le lance, je perds tout mon mana, je cours en rond autour des ennemis jusqu’à ce que mon mana remonte, je reprends mon ancien sort, je spamme, ils meurent, j’oublie ma nouvelle rune.
Les puzzles
Il y a bien une autre phase de jeu qui te demande de l’ingéniosité, sous la forme de petits puzzles présents un peu partout (des modules à activer dans un temps imparti). Là j’étais contente, parce que ça exploite mieux le système de sorts, mais ça se présente comme des quêtes annexes, pas nécessaires au bon déroulement du jeu et avec des récompenses souvent anecdotiques. D’autant qu’il te manque parfois une rune nécessaire à la résolution de l’énigme. Et puisque toutes les runes indispensables à l’avancée de l’histoire sont très faciles à trouver, on peut finir par négliger les autres, se condamnant ainsi l’accès à ces mini-jeux de combinatoire.
Exemple : j’arrive devant un puzzle, on me dit que je n’ai pas toutes les runes nécessaires, je ne sais pas où les chercher, je me dis que je reviendrai plus tard, je constate que la carte ne permet pas de marquer des endroits précis, j’oublie totalement l’existence de ce puzzle.
Ces réflexions m’ont progressivement sortie de l’atmosphère douce et charmante du jeu, et j’ai donc commencé à voir de plus en plus de détails agaçants : des fautes d’orthographe dans le texte, aucune interface pour garder un suivi des quêtes annexes en cours (je me retrouvais donc avec des objets dans mon inventaire sans me souvenir de qui je les avais reçus et à qui je devais les donner), de l’argent en quantité si grande qu’on plafonne sans savoir où le dépenser, un scénario très basique (et pas très intéressant, avec des personnages totalement bipolaires et inutilement agressifs), des niveaux de difficulté un peu mal dosés (on a le choix entre un mode histoire vraiment facile, un mode difficile plutôt exigeant et un mode hardcore qui ne t’autorise aucune mort… J’aurais aimé quelques nuances et une difficulté progressive, au lieu de plafonner au milieu du jeu).
… Donc c’était bien ou pas ?
Mais attention, mon but n’est pas de descendre ce jeu en flèche (et c’est bien pour ça que j’ai galéré à écrire ce test de Mages of Mystralia : il fourmille de bonnes idées, mais je pense qu’il s’est noyé dans toutes les directions qu’il voulait prendre, et qu’il faudrait recentrer un peu l’intention de base pour qu’il s’éparpille moins. N’oublions pas que c’est le premier titre de ce studio indépendant, et qu’il a d’ailleurs conquis une grande communauté autour du monde ! Je pense que l’avoir testé sur Switch m’a rendue sévère, car le voir arriver sur cette console montre un certain succès et m’a créé d’autres attentes.
Un mot sur la version Switch d’ailleurs : c’est un jeu tout à fait adapté au mode console dans son esprit et sa démarche, malgré quelques couacs (le volume est très faible, les temps de chargements sont très longs, le texte est un peu trop petit quand on joue en version portable) qui rappellent qu’il a été pensé pour PC à la base. J’ai quand même bien subi les temps de chargement, qui surgissent dès qu’on change de zone : couplé au fait qu’on n’a pas d’interface pour les quêtes annexes par exemple, ça m’a totalement découragé de fouiller partout pour comprendre à qui je devais donner ce bouquet de fleurs non identifié dans mon inventaire. Concernant le volume notamment, je sais que les développeurs sont au courant et qu’ils sont déjà en train de travailler sur un patch, donc je garde également à l’esprit qu’il est sorti très récemment et que des améliorations sont possibles !
Bref, je conclus ce test de Mages of Mystralia un peu long et confus en disant que j’ai beaucoup aimé son identité visuelle, sa démarche et l’originalité de la création de sorts. Je regrette qu’il se soit éparpillé et que certains problèmes techniques parasitent mon appréciation générale, mais pour un premier jeu, je trouve qu’il montre beaucoup de talent de la part de Borealys Games et qu’il annonce de belles choses pour la suite. D’ailleurs, ils sont en train de développer un nouveau jeu dans l’univers de Mystralia, et ils ont sorti un genre de BD en ligne qui se passe avant Mages (et j’adore les projets qui s’étendent sur plusieurs supports). Affaire à suivre donc !
Les plus et les moins ✔︎ Une BO travaillée et très agréable ! ✘ Des combats répétitifs !La note de la rédaction
✔︎ Des graphismes soignés, une forte identité visuelle.
✔︎ Un système de sorts ingénieux et ludique.
✔︎ Une durée de vie correcte (10-12 heures de jeu).
✘ Un temps de latence entre chaque sort qui ralentit le rythme.
✘ Un scénario quelconque et des dialogues trop naïfs...
✘ Trop de pistes pas assez exploitées !
✘ Une adaptation sur Switch qui demande quelques ajustements.
10 Responses
Excellent ce test franchement !! Toujours un plaisir de te lire Coline, tu viens d’arriver mais c’est comme si je te connaissais depuis longtemps 😉 En plus tu as le don de mettre en lumière des jeux qui passeraient finalement inaperçu. Je n’ai pas de Switch, c’est bien dommage, je ne suis pas sûr d’investir dans ce matériel à l’avenir mais c’est bien de savoir que des jeux indé essaient d’émerger. Perso, les AAA commencent à me fatiguer à force. Donc c’est bien d’encourager ce genre d’initiative (et de voir que les petits studios font confiance à JSUG).
Merci beaucoup Bruno ! 🙂 Ces compliments me font très plaisir, et si j’arrive à te dégoter des titres que tu ne connais pas encore c’est le top 😀
Ce titre là est aussi dispo sur PC en tout cas, si ça t’intéresse ! Mais effectivement je pense que c’est une excellente idée que Nintendo s’associe avec des développeurs indé, ils ont déjà un beau catalogue 🙂
Je connais finalement très peu les AAA (jamais eu du matos qui me permettait de les faire tourner haha) alors en fait, je parle simplement de ce que je connais…
J’adore ta façon de t’exprimer, beaucoup de style dans ton écriture mais pas que, une justesse d’analyse du jeu et une grande sincérité. Bravo et merci !
Oh whaou, un grand merci à toi ! Je prends énormément de plaisir à rédiger ces tests, je suis très touchée qu’ils soient aussi bien reçus 🙂
Espérons qu’avec le retour des utilisateurs le jeu sera patché et deviendra d’autant plus plaisant puisque la base est solide.
Si tu aimes les mages et les combinaisons de sorts, tu peux essayer la série des Magicka.
Ça m’a l’air d’aller dans ce sens, j’espère aussi ! Oui j’ai cru comprendre que Magicka avait quelques points communs, je n’ai pas voulu en parler dans le test parce que je n’y ai pas joué, mais il faudra que je tente.
On voit tout de suite que tu as vraiment joué au jeu, pour savoir pointer les défaut du jeu aussi facilement, c’est que tu y a passé du temps. C’est ce que j’allais dire maintenant avec un patch , calibrer le jeu est tout à fait faisable pour avoir la bonne expérience de leur soft. L’ayant regardé sur youtube avant que tu ne fasses ton test, c’est un jeu dont je sens que je vais l’apprécier par son univers. Les décors me font penser à Rime, qui n’était pas sans défaut. Il y a des jeux où on peut pardonner certaines choses parce qu’on adhère à l’univers. Comme tu dis c’est le premier, donc c’est encore plus pardonnable. Il faut bien se faire la main. S’ils écoutent, ce qui est très important, c’est justement le retour des joueurs sur leur jeu et de réajuster le tout pour ces derniers. Ne pas le faire c’est se tirer une balle dans le pied. Celui-ci je le prendrai il m’intéresse ^^
C’est régulièrement le constat que je fais dans tous les jeux, il y en a qui ont un potentiel mais n’ont pas le savoir faire et le jeu reste dans des textures passables mais pourrait mieux faire, la jouabilité du personnage aussi parfois doit-être travailler car trop rigide. Quand tu réalises un jeu vidéo, il faut t’affilier avec un joueur, que cette personne pointe les soucis du jeu et que eux retravaillent cela avant de sortir le jeu.(s’ils le font ça ne se voit pas ) Quand ils comprendront tous ça, les choses iront mieux, d’autant plus rageant quand un jeu a comme ici un fort potentiel.
Les rédacteurs du JCV devraient être balayé par des personnes comme toi. Voilà ce que j’attends d’un test , pas de blabla inutile, pas de longueur non plus, ni de fantaisie sur le sujet.
Ah ça oui, il m’a fallu du temps pour synthétiser mon ressenti et ne pas trop partir dans tous les sens. Je confirme, la base est très sympa et j’espère effectivement qu’ils vont le patcher pour les points moins agréables ! Je serai curieuse d’avoir ton avis si tu testes. 🙂
Merci beaucoup Stéphane !
Y a quand même un truc excellent avec JSUG, c’est que les tests sont toujours des plaisirs à lire (quand bien même les jeux ne m’intéresse pas forcément), avec chacun leur style suivant les plumes. Donc félicitations à la team une nouvelle fois, et pour celui-ci à toi Coline.
Quant au jeu, je vais pas dire que ça me parle, mais en tant que fan d’ost, j’irai écouter ça (et comme toi, j’aime par contre le fait de développer un univers via différents médias/supports).
Aah ça fait très plaisir ça Gilles !
Je trouve l’ost assez léchée, j’aime le fait qu’ils l’aient enregistrée en studio et elle souligne bien les différentes phases de jeu.
Tout à fait, c’est toujours une belle surprise de voir des artistes pluridisciplinaires !