Rain World : une histoire de loches on ne peut plus frustrante !

Les copains, voici mon test de Rain World, un jeu loin d’être floche qui nous est proposé par le ravissant studio Videocult.

Oui, je suis ce genre de mec. Vous voyez le type qui a toujours un truc étrange à la limite de l’inutile à vous apprendre ou à vous faire découvrir ? Le genre de personnes qui, lors d’une réunion entre amis ou en famille, plombe la discussion en s’écriant tout à coup « au fait, vous saviez que certaines espèces de limaces sont appelées des loches ? », ou encore « je parie que vous ignoriez que les koalas ont développé un système digestif d’une longueur de dingue pour pouvoir digérer les feuilles d’eucalyptus, particulièrement indigestes. D’ailleurs, les bébés doivent manger les excréments de leur mère directement au sortir de… », tandis que tout le monde repose son tortilla couvert de guacamole, soudainement un poil trop évocateur. Malaise…

Eh bien je me rends compte que c’est exactement la même chose avec les jeux vidéo, faut toujours que je tombe sur une bizarrerie ! Après les enfants violentés, les irlandais bimensionnels et les keuf-cakes gladiateurs du turfu en vaisseau spatial, je vous présente Rain World, le titre qui vous propose d’incarner un chat ! Rien de bien révolutionnaire à l’horizon me direz-vous. Mais j’ai oublié de préciser qu’il s’agit en fait d’un chat-limace ! La délicate union entre une bestiole mignonne bipolaire borderline et un truc dégueulasse et gluant qu’on n’apprécie pas tellement retrouver dans nos salades, sous peine de friser la crise de nerf. Enfin soit, merci aux développeurs de chez Videocult de m’avoir donné l’occasion de tester ce jeu singulier et de vivre la vie d’une adorable abomination de la nature, j’ai nommé le chat-loche.

I like to cover myself in vaseline and pretend I’m a slug…

Donc, Rain World, c’est avant tout une histoire de loches. Ainsi, tout commence par une petite « cinématique » d’images figées où l’on voit une mignonne petite famille qui tente de survivre dans un environnement hostile. Les parents ouvrent la marche et protègent les enfants. On comprend vite que le monde est un endroit dangereux pour ces petites bêtes choupinounes tout plein. Au bout d’un moment, lors d’une manœuvre particulièrement difficile, l’un des petits tombe et se retrouve séparé de sa paire de loches, enfin, de ses parents quoi. Vous l’aurez deviné, c’est lui que vous incarnerez.

Test de Rain World (PC)
Longue vie au roiiii !

La scène, que je ruine allègrement (avec un plaisir certain) est en réalité empreinte d’une poésie touchante. Aucun texte ne vient polluer ce moment intense dépeignant une séparation déchirante et tragique. Cette absence d’écrits superflus lui apporte une certaine pureté. Impossible de rester impassible face au traumatisme presque tangible d’un petit qui prend involontairement la tangente. La souffrance empathique que ressent le joueur à ce moment-là, si elle pouvait être mesurée, serait d’au moins plus de 9 000 sur l’échelle de Nos étoiles contraires.

Éviter les monstres du Loche-Ness

Nous voilà alors aux commandes de Raminagrobis le sirupeux. Nous sommes lâchés dans un environnement assez lugubre, une sorte de monde industriel post-apocalyptique où l’eau semble faire sa loi. Le jeu nous donne à comprendre quelques mécaniques de base en faisant montre d’un mutisme impitoyable. On prend alors conscience de la précarité de notre situation. Le chat-limace se trouve au bas de la chaine alimentaire et rien ni personne n’a envie de l’aider. Quand il ne s’agit pas d’un prédateur affamé, l’environnement lui-même se charge de lui liquider son compte. En effet, les fleurs et l’environnement peuvent également vous tuer, sans parler des inondations périodiques qui vous obligent à vous réfugier dans des abris disséminés de-ci, de-là pour des micro-hibernations.

Test de Rain World (PC)
À la file indienne, indienne, indienne !

Quant à l’ambiance, elle est oppressante. Les graphismes, sombres et simples, nous plongent instantanément dans le bain, bain que notre matou gluant tentera par tous les moyens d’éviter. Les décors sont tristes et nous transportent dans un univers mélancolique et torturé, un univers rongé par la férocité de ses habitants à l’instar de ses décors mordus par la rouille. Si la vie sur terre n’est pas réputée pour être tendre, celle de Rain World est bien pire. La bande-son renforce cette oppression constante. Lorsqu’aucun ennemi n’est présent, seuls quelques échos de gouttes d’eau se feront entendre, parfois de rares battements d’ailes de papillons de nuit, sans oublier le bruit de vos pas comme unique compagnon de route. Et quand un prédateur fait son apparition, des percussions viennent ponctuer la scène et faire écho à notre cœur, tandis qu’il tambourine de plus en plus vite au fur et à mesure que notre fin se rapproche.

Rain World : un coup de pied dans les balloches

Les contrôles de ronron le poisseux sont assez fluides quand on les maîtrise. Cependant, le jeu est avare en conseils. Vous savez que vous pouvez sauter, courir, vous faufiler dans quelques endroits étroits et ramasser des objets pour les manger ou les lancer, rien de plus… Le gameplay, d’une simplicité apparente, mais trompeuse, est sublimé par des animations procédurales qui donnent un côté vivant aux créatures qui se baladent à l’écran. Les mouvements des ennemis et de votre loche pottée sont donc particulièrement crédibles, même si elles donnent parfois lieu à des situations grotesques où des ennemis chutent façon octogénaire dans une volée d’escaliers verglacés.

Test de Rain World (PC)
C’est un oiseau ? Un avion ? Non, c’est la merde…

Rain World est un jeu qui requiert investissement et observation de la part du joueur. Les mécaniques, il lui faut les déduire, pour ensuite les assimiler. Lancer une barre de fer sur un mur peut par exemple vous créer une plateforme. Ces symboles en bas à gauche de votre écran qui défilent à chaque fois que vous « hibernez » dans un abri ont également toute leur importance pour progresser dans le jeu, mais à quoi peuvent-ils bien servir ? Pour le découvrir, il vous faudra faire preuve de beaucoup de patience, mais hélas, vous aurez également besoin de chance.

Test de Rain World (PC)
Toute cette immensité baignée d’obscurité… est un joyeux bordel…

C’est en effet là que le bât blesse. S’il peut être très intéressant de jouer à un titre où l’observation est centrale pour pouvoir progresser, une mécanique de ce type poussée à l’extrême peut se révéler être une entrave au plaisir de jeu. Il est normal de mourir plusieurs fois dans un die and retry avant de trouver la solution. Mais ici, le problème est que quelques événements ne se déclenchent qu’à certains moments. Et s’il y a bel et bien des indices pour nous mettre le parasite à l’oreille quant à la manière d’avancer, les rater est synonyme de pertes de temps considérables. On se dit simplement qu’il faut chercher ailleurs, et on tourne en rond pendant des dizaines de minutes jusqu’à ce que l’on se rende compte que, piccolo, on a raté le seul indice (toujours trop bien caché) qui nous aurait permis de progresser.

L’autre défaut du jeu réside dans la pression qui pèse en permanence sur le joueur. Les ennemis impitoyables, l’environnement dangereux et les inondations périodiques provoquent une angoisse telle qu’il n’est pas toujours possible de profiter de l’ambiance tout à fait fantastique du titre. L’erreur commise est d’oublier que la difficulté doit servir le gameplay, doit être un élément de game design, sinon, elle n’est qu’un obstacle. Rain World reste une expérience sympathique en dépit de ses défauts, mais qui ne plaira pas à tout le monde. 


Dans l’ensemble, Rain World est un jeu respectable. La gameplay souffre de défauts qui gâchent certains pans de l’expérience, mais son ambiance unique lui permet de remonter la barre. Encore faut-il pouvoir en profiter. De toute manière, n’oubliez pas que la vie d’un chat-loche ne tient qu’à un fil, fil qui sous le poids du danger s’effiloche tandis que la vie vous remet une deuxième taloche au cas où vous n’auriez pas bien compris que… eh bien que la vie, c’est moche.

LA NOTE DE LA RÉDACTION
  • Gameplay - 6/10
    6/10
  • Durée de vie - 7/10
    7/10
  • Graphismes - 9/10
    9/10
  • Originalité - 7/10
    7/10

Les plus et les moins

✔︎ Des graphismes lochés.
✔︎ Des animations crédibles.
✔︎ Une bande-son dans le ton.
✔︎ Un jeu de loches qui n'est pas 18+.

✘ Parfois hasardeux !
✘ Frustrant...
✘ L'impossibilité de jouer un bonobo-limace ?

7.3/10

 

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10 Responses

  1. C’est incroyable ta manière d’écrire, tu décris le jeu d’une façon qu’on a l’impression qu’on nous conte une histoire, de la première ligne jusqu’à la dernière on ne peut pas décrocher !
    C’est vrai que le perso est trop mimi avec ses gros noeilles et son pelage blanc, moi non plus j’en avais pas entendu parler, même si je suis moins branché PC.
    Bravo tu as un véritable talent, je te le redis et je te le redirai encore souvent.
    En ce moment à la rédac sa bosse sévère on dirait ^^

    1. Ce genre de commentaire me fait plaisir. C’est exactement ce que je tente de faire. Au-delà de l’aspect critique d’un jeu censé aiguiller les lecteurs pour qu’ils s’en fassent une idée, je tente d’écrire des textes qui se suffisent à eux-mêmes, qui racontent une histoire à part entière, et que les gens prennent plaisir à lire. Ce que j’aimerais, c’est parvenir à écrire des articles qu’ils ont envie de lire, non pas uniquement pour découvrir un nouveau titre, mais simplement parce que c’est drôle, parce que c’est agréable à lire et parce qu’ils ont envie de passer un bon moment « en ma compagnie ».
      En fait j’aimerais faire naître chez mes lecteurs le même sentiment que je ressens quand je lis les articles de rédacteurs que j’apprécie particulièrement. Par exemple, chaque mois, j’achète un magazine JV. En réalité, le contenu, je m’en fiche presque, même si les jeux vidéo sont une passion viscérale pour moi, je ne lis leurs articles que pour passer un bon moment en les lisant, comme si je lisais un bon livre.
      C’est une ambition peut-être un peu naïve, je suis peut-être un grand rêveur, mais c’est ce que je vise.
      D’ailleurs, c’est toujours un peu stressant de publier un test ou une news d’opinion. Certains s’en riront au vu du sujet que je traite, en effet, les jeux vidéo sont souvent considérés comme dérisoires, mais j’ai toujours une petite pression quant à la réception de mes textes, parce que, outre le fait de commenter une œuvre réalisée par d’autres, j’insuffle à mes articles un peu de moi, de mes ressentis, de mes pensées, de mon humour (parfois trop incisif et qui me pose souvent problème IRL, mais qui prend une place énorme dans mon quotidien). Du coup, vos retours ont beaucoup de valeur pour moi.
      J’ai une vision somme toute très romancée de mon activité, d’aucuns diront que c’est stupide, mais je m’en fiche, j’aime ce que je fais et pourquoi je le fais.
      Après ce pavé, j’ai un peu l’impression de m’être foutu à poil sur la place publique, mais bon, la communauté de JSUG.com mérite bien ce moment de franchise sans détour !

      1. En tout cas chez moi cela fonctionne, bon évidemment on traite de jeux vidéo, mais c’est vrai quand lisant plus bas, tu pourrais faire un bouquin. Il est vrai que lorsqu’ont te lis on passe un bon moment, et on ne décroche pas du tout, du coup j’aurais un livre entier, je le finis en une fois, ce qui est rare, même des grands écrivains, au bout d’un moment tu lâches l’affaire, puis c’est pas obligatoire d’écrire des livres de 300 pages, on peut faire 100 pages, voir 50 et puis même monsieur ou madame tout le monde peut le faire. On n’a pas forcément un bon retour sur soi-même , c’est difficile d’être satisfait de soi, de son travail, car on vise la perfection, on voit plus vite ses fautes que ses prouesses. C’est sûr qu’un retour de commentaire pour tout rédacteur est une donnée importante. En plus tu évolues de plus en plus au fil de tes articles et cela vaut aussi pour Joanne qui a visé juste pour le test de Syberia 3.

        1. Oui, je pense que ça vaut pour tout le monde. JSUG.com est vraiment un environnement épanouissant qui profite à tous, qu’il s’agisse de la communauté ou des rédacteurs 🙂

  2. Ah là là… Ma première réaction en voyant l’image de couv’ c’était de bouder parce que j’étais déjà sûre que tu allais de nouveau me donner envie avec un jeu trop bien et que je fais que de claquer mon argent ces temps. Tu as fini par me dérider avec tes jeux de mots, mais n’empêche, je vais de nouveau dépenser ! Vilain Pierre-Yves, montre-nous des jeux nuls un peu 😉
    Au passage, j’ai fini Stories : Paths of Destinies et comme tu disais, il est pas parfait mais l’idée est très cool ! J’ai pas eu la patience de faire toutes les fins (parce que j’ai pas de patience) et j’ai vite eu un niveau qui me permettait de gerer quasi tous les combats sans dégâts, du coup c’est vite répétitif et monotone, mais en même temps je sais pas comment ils auraientpu tourner leur jeu autrement… et les différentes fins sont chouettes 🙂

    1. Je fais ce que je peux ! Mais pas de bol, je tombe à chaque fois sur des trucs sympas. Attention cependant, comme je l’ai dit à la fin du test, il ne plaira peut-être pas à tout le monde. Il est sympa, les idées sont bonnes, mais la frustration ne sert pas toujours le gameplay.
      Je n’ai pas fait toutes les fins non plus, trop répétitif pour Stories, surtout que, comme toi, au bon d’un moment, je ne prenais plus un seul dégât, et il n’y avait plus vraiment de challenge. Par contre, ce dont je ne me lassais pas, c’était de la narration.

  3. Il y a les pseudo journalistes de jeuxvideo.com, les imposteurs de gameblog, les mécréants de gamekult, il y a aussi des auteurs qu’on vénère pour l’originalité de leur style comme Amélie Nothomb et Robbe-Grillet… Moi je pense qu’au dessus de tout ça il y a Pierre Yves Houlmont. Mec tu devrais écrire un bouquin sérieux. Tu es tellement crédible en tant que journaliste et « écrivain » en règle générale. C’est bluffant. Saches que je me suis méga-appliqué dans l’écriture de ce commentaire car j’espère vraiment que tu le verras !!! Continue comme ça, je pense que JSUG.com c’est le meilleur des tremplins pour toi tu vas grave t’épanouir ici !

    1. Alors que dire, tout d’abord, le commentaire que j’ai mis plus haut en réponse à Stephane est également une réponse au tien ! Ensuite, merci !
      Concernant Amélie Nothomb et Robbe-Grillet, je suis encore loin d’avoir autant d’expérience. J’adore écrire, certes, mais n’exagérons rien :p, je ne suis pas encore au niveau d’écrivains professionnels. Ton commentaire me touche en tout cas.
      Concernant le bouquin, j’aimerais bien en écrire un, c’est vrai. C’est un projet que j’ai depuis pas mal de temps, mais dans lequel je n’ose jamais me lancer complètement parce que je ne suis jamais satisfait de ce que je produis… je finis toujours par tout effacer en me disant que ça ne vaut pas un clou.
      Concernant JSUG.com, je me sens super bien ici. Éric nous laisse une liberté rare, et la communauté est géniale. Ses retours et les vôtres me poussent à me démener de plus en plus pour vous offrir des articles de qualité.
      Merci pour ton commentaire tiré à quatre épingles en tout cas !

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