Du joystick aux rouleaux : quand le hasard inspire les jeux vidéo

De Pac-Man aux loot boxes, jeux vidéo et hasard semblent dialoguer en permanence. Qu'est-ce qui les relie ?

Posez une borne Pac-Man d’un côté, et un bandit manchot de l’autre. Rien, à première vue, ne semble pouvoir les relier… Pourtant, dès qu’on revisite leur histoire, un pont évident apparaît comme par magie : une même obsession pour le rythme qui accroche, un même goût pour les récompenses imprévisibles, un même usage des lumières et du son pour guider le joueur. Le jeu vidéo a grandi en inventant ses propres codes, les jeux de hasard ont évolué en absorbant une partie de cette grammaire.

Pendant que l’industrie du gaming dépassait les 202 milliards de dollars en 2021, la même année, celle des jeux de hasard franchissait les 300 milliards, preuve irréfutable qu’un dialogue discret se jouait déjà en coulisse. Aujourd’hui, il suffit de jeter un œil aux loot boxes, aux systèmes gacha ainsi qu’à tous ces mini-jeux inspirés de l’univers des casinos intégrés dans certains AAA pour constater que les échanges entre ces deux mondes sont tout sauf anecdotiques. Cette histoire croisée mérite qu’on remonte un peu le fil.

Années 1980 : quand l’arcade apprend au joueur à aimer l’imprévu

Imaginez une salle d’arcade au début des années 1980. L’air vibre au son des bips, des thèmes synthétiques et des pièces qui s’entrechoquent. Devant chaque borne, un joueur retient son souffle. Pac-Man file dans un couloir, tout semble sous contrôle… et soudain, le rythme s’emballe. Galaga lâche un ennemi en piqué au moment précis où l’on croyait avoir trouvé le répit. Quant à Space Invaders, rien ne change en apparence : les rangées d’aliens avancent toujours à la même vitesse… jusqu’à ce que, peu à peu, la formation se densifie et que chaque mouvement devienne critique !

Dans ces jeux-là, la boucle d’action est simple, mais d’une tension redoutable : quelques secondes d’échanges, une erreur qui peut tout faire basculer, puis l’envie immédiate de recommencer. Une partie peut s’effondrer en un clin d’œil, mais la prochaine victoire paraît quasiment toujours à portée de main… C’est cette promesse du « tu y étais presque » qui pousse à réinsérer une petite pièce dans la fente.

Mise en abyme : une rangée de bornes d’arcade rétro.

Ce principe du « presque », qu’on appellera plus tard near miss, était déjà présent dans les esquives à un pixel près, dans ces barres de vie qui ne tiennent plus qu’à un cheveu, dans les montées sonores qui annoncent un boss sans indiquer exactement quand il frappera… L’arcade travaille l’anticipation comme un chef d’orchestre : le joueur sait que quelque chose va se produire, mais le moment précis lui échappe toujours.

Et sur le plan visuel, la parenté est tout aussi frappante ! Des clignotements rapides, des couleurs saturées, des effets lumineux qui s’enchaînent à toute vitesse : le langage des bornes d’arcade pose les bases d’un style que l’on associera plus tard aux machines de jeu modernes. Et ce non pas dans un souci d’imitation, mais parce qu’il poursuit le même objectif : accrocher le regard, guider l’attention, créer cette petite secousse intérieure qui donne envie de disputer une partie supplémentaire.

Quand les salles de jeux s’inspirent des codes vidéoludiques

L’introduction des machines à sous vidéo dans les années 1990 a quelque peu changé le paysage des établissements de jeux. En effet, les rouleaux mécaniques ont laissé place à des écrans capables d’afficher des animations complètes, des mini-jeux, des transitions rythmées. Ce n’est pas un hasard : le jeu vidéo, devenu grand public, a habitué les joueurs à chercher du feedback, du rythme et un minimum de narration.

Les machines à sous ont clairement adopté le langage visuel du jeu vidéo.

Les résultats sont vite devenus visibles. Musiques proches du chiptune, paillettes façon pixels, systèmes de combo, multiplicateurs qui rappellent le scoring arcade… Il existe des machines qui évoquent même certains jeux indé. Pas étonnant, quand on sait que ces dispositifs peuvent représenter jusqu’à 70 % des revenus dans les casinos d’Amérique du Nord : l’industrie doit surprendre pour continuer d’exister. Et pour surprendre, elle a pioché largement dans la boîte à outils du jeu vidéo.

De nos jours, pour observer comment ces influences se matérialisent, des plateformes comme casino.ca, qui évalue et classe les casinos pour les joueurs canadiens, offrent un panorama utile de l’évolution du secteur. On y voit très clairement comment les studios ont importé les codes vidéoludiques pour créer des expériences hybrides, à mi-chemin entre machine à sous et mini-jeu interactif.

Quand le hasard revient dans le jeu vidéo moderne

L’influence inverse est encore plus visible. Après des années à vouloir s’en démarquer, les jeux vidéo ont réintroduit des mécaniques basées sur le hasard dans presque tous les genres. Les loot boxes, par exemple, génèrent plus de 30 milliards de dollars par an. Les systèmes gacha, devenus centraux dans Genshin Impact voire Honkai: Star Rail, reposent sur des probabilités proches de celles utilisées dans les jeux d’argent. Enfin, les MMORPG s’appuient sur des taux de drop rares capables de motiver des sessions entières de grind.

Le hasard s’est imposé comme une mécanique centrale dans de nombreux jeux modernes.

Même les jeux solo jouent avec ce ressort ! Ainsi, dans Red Dead Redemption 2, les tables de poker ne sont pas de simples gadgets décoratifs… Dans Final Fantasy VII Remake, la rareté de certains objets alimente un véritable cycle d’anticipation… Enfin, il est impossible d’évoquer l’hybridation sans parler de la saga Yakuza, qui assume totalement d’intégrer des espaces entiers dédiés aux jeux de hasard au cœur de son gameplay.

Cette « boucle du hasard » n’est donc plus une exception. Elle est devenue une mécanique de progression, un ressort émotionnel, un moyen d’introduire du chaos maîtrisé dans des systèmes souvent très structurés.

Pourquoi la mécanique de l’attente fonctionne toujours ?

Ce qui relie Pac-Man, une loot box et un tirage de rouleaux ? La montée d’anticipation. Le moment juste avant le résultat, c’est-à-dire l’instant où tout peut vraiment basculer. Les psychologues l’avaient déjà théorisé à travers le concept de variable reward cycle. Les créateurs de jeu vidéo l’ont intuitivement intégré dans leurs boucles d’action, tandis que les concepteurs de jeux de hasard en ont fait un terrain d’expérimentation permanent.

Attente, doute puis soulagement ou déception, le joueur revit sans cesse la même séquence émotionnelle…

Concrètement, le joueur traverse toujours la même petite séquence émotionnelle. D’abord, la montée : les ennemis s’accélèrent, les rouleaux tournent, l’animation de la loot box se déclenche, les sons se superposent. On sent que quelque chose va se produire. Puis vient la pause : un battement quasi silencieux, un ralenti, un dernier clignotement. En gros, c’est le moment où l’on est suspendu au résultat, entre espoir et doute. Enfin arrive la résolution : l’écran affiche le score, le butin s’ouvre, la combinaison s’arrête. Gagné, perdu, objet rare ou banal, peu importe : la boucle est bouclée… et prête à recommencer.

Aujourd’hui, les deux univers ne se confondent pas, mais dialoguent en permanence… Le hasard inspire le jeu vidéo, le jeu vidéo nourrit les mécaniques de hasard. Les systèmes se croisent, se répondent, s’empruntent des techniques. Et le joueur moderne navigue au milieu de tout cela, souvent sans même s’en rendre compte. 

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