Quand Cocoon et Pizza Possum se ressemblent plus que prévu…

Pizza Possum et Cocoon : deux jeux différents en apparence, mais qui ont pourtant quelques idées en commun !

Tu as peut-être vu passer ma tête dans un JT courant octobre (il est possible qu’Eric ait fait un peu de pub…), et pour cause : j’ai fait mon premier direct (sur la RTS, première chaîne nationale en Suisse romande, parce que, quitte à se mettre la pression, autant y aller à fond) pour chroniquer des jeux vidéo dans le 12h45. Le projet est un peu fou et je me suis dit que ce serait chouette d’en parler ici, dans un billet plus libre que les tests, pour te donner accès aux coulisses de la démarche et profiter de te présenter plus en détail les deux jeux sur lesquels j’ai travaillé cette fois-ci : Pizza Possum et Cocoon !

Un mot rapide sur ce « rendez-vous gaming »

Le « rendez-vous gaming » de la RTS, qui a été lancé en début d’année, se déroule toutes les trois semaines en fin de journal télévisé, le mercredi midi, et il propose à chaque fois deux jeux fraîchement sortis et présentés par des chroniqueurs et chroniqueuses du milieu du jeu vidéo suisse. L’idée est vraiment chouette, d’autant qu’elle permet de s’adresser à un public non initié, et le projet coche trois cases qui sont encore bien trop rares dans la sphère vidéoludique : on parle de jeux vidéo sur une chaîne nationale en tant que produit culturel (et non comme source de violence ou d’addiction), on est rémunérés, et on a carte blanche sur les jeux qu’on a envie de présenter (pour autant qu’ils conviennent à un public de journée, donc évidemment rien de trop graphique). Et quand on gravite dans ce milieu qui est encore très stigmatisé, trop souvent considéré comme un « job passion » et très influencé par les gros éditeurs, je peux te dire que combiner ces trois éléments, c’est un peu le Graal !

Bref, ma première chronique était avec SekaiLove, et ça tombait très bien parce qu’elle aime aussi les jeux indé, donc on a tranquillement épluché les sorties à venir et on est tombées d’accord sur Pizza Possum et sur Cocoon. On s’est dit qu’ils s’adressaient à des publics différents, qu’ils permettaient une sélection variée, et que ce n’était pas bien grave si on ne voyait pas de moyen de faire des parallèles entre les deux jeux dans la chronique. Et pourtant, ils ne sont pas aussi éloignés qu’on pourrait le penser, et je suis bien contente de pouvoir profiter d’un espace comme celui-ci pour poser plus en détail ma réflexion à ce sujet, parce que le passage en télé était bien trop court pour des envolées conceptuelles et du jargon d’académicienne. Mais d’abord, jetons un œil à chacun de ces jeux pour que tu te fasses une idée !

Pizza Possum : le chaos espiègle

D’un côté, on a Pizza Possum. Un jeu drôle, rythmé, un peu impertinent, qui te propose d’incarner un opossum tout à fait obsédé par la nourriture. Pas de scrupule à faire les poches des passants ou à dévaliser les étals des marchands, le seul danger, c’est de se faire attraper ! Les animations visuelles et sonores sont top, on est sur un mélange de discrétion et de course-poursuite, avec pas mal d’ingrédients comiques comme les nombreux pièges que tu peux laisser derrière toi pour semer les policiers-chiens ou passer incognito. La courbe de difficulté fonctionne bien, avec un début très permissif et un challenge qui augmente progressivement, et même des récompenses si tu fais le niveau entier sans te faire attraper (et crois-moi, c’est plus dur que ça en a l’air).

Cocoon : le casse-tête atmosphérique

De l’autre côté, Cocoon. Un jeu d’ambiance, développé par Jeppe Carlsen (qui était au gameplay de Inside et Limbo), un jeu de puzzles, de paradoxes. Tu diriges une créature insectoïde, dans un univers de science-fiction plutôt énigmatique, qui peut basculer d’un monde à l’autre, les porter sur le dos, en tirer des pouvoirs. Difficile à décrire, mais étonnamment lisible quand on y joue, il propose une expérience assez hypnotique, qui nous pousse vers l’avant même si on n’a pas de grande idée des enjeux, et qui nous donne toutes les clés sans rien expliquer directement. Certaines énigmes peuvent s’avérer coriaces, mais l’ensemble reste raisonnable et suffisamment cloisonné pour qu’on ne soit pas noyé sous les possibilités.

Deux jeux, un bouton d’action

Qu’est-ce que je leur trouve de commun, alors ? Pas mal de choses, finalement. Ce sont des expériences de jeu plutôt courtes, autour d’une intention de départ épurée et délivrée avec soin. On n’a quasiment aucun texte des deux côtés, très peu d’explications, un game design qui suffit à traduire les instructions de jeu. Pas de tutoriel, une plongée directe dans le cœur du gameplay. Et surtout, ils ont fait le choix l’un comme l’autre de s’appuyer uniquement sur un joystick et un bouton d’action pour l’ensemble des manipulations requises, et je trouve cet angle d’approche vraiment intéressant.

Quand on y pense, ce n’est pas si fréquent de tomber sur un jeu qui utilise si peu de touches, et ça nécessite de pas mal réfléchir à ce que le joueur devra faire au cours de la partie. Même dans des jeux essentiellement textuels et narratifs comme les Ace Attorney, on a un bouton pour explorer son inventaire, un autre pour naviguer dans les dialogues, un autre pour lancer une objection, etc. Un choix de boutons aussi restreint doit s’accompagner d’un gameplay épuré, qui va droit à l’essentiel en limitant au maximum le nombre d’informations à transmettre et à gérer pendant la partie. C’est ce qu’on peut constater aussi bien dans Cocoon que dans Pizza Possum : pas d’inventaire, pas de map, aucun menu à ouvrir pour progresser dans le jeu. Un joystick pour se déplacer, un bouton pour activer son pouvoir, et tout le reste se passe dans la tête, qu’il s’agisse de se souvenir des endroits à visiter ou de réfléchir à la meilleure stratégie pour progresser.

L’intérêt de ce choix de design ? À mon avis, il est assez évident, et c’est le même dans les deux cas : simplifier au maximum la prise en main et la rapidité d’immersion dans le jeu. Là où je trouve ça intéressant de réfléchir à ce parallèle, c’est que, si l’intérêt est partagé, la démarche ne semble pas venir des mêmes motivations, et pour moi, autant Pizza Possum que Cocoon réussissent brillamment sur ce plan-là, donc laisse-moi décortiquer ça pour chacun des deux titres.

Pizza Possum : la simplicité pour inclure tout le monde

pizza possum test
Et un bon gros tiramisu pour la route !

Dans Pizza Possum, l’épuration des manipulations permet à n’importe quel joueur, acharné ou néophyte, adulte ou enfant, d’entrer dans le jeu avec une énorme facilité. Dès qu’on a compris comment déplacer notre personnage, on peut partir à la conquête des montagnes de nourriture qui nous attendent, et le fun est immédiat ! Je trouve ce jeu extrêmement intuitif, et super efficace pour faire comprendre les règles sans avoir besoin de les expliquer clairement. L’idée était de faire un casual game rigolo, rapide et pas trop frustrant, et tout le game design est mis au service de cet objectif : pas de temps de chargement, pas de décompte des échecs. Quand on se fait attraper, on réapparaît immédiatement au dernier point de sauvegarde, et on reprend notre festin sans perdre le rythme. Et pour augmenter encore cette fluidité, toutes les actions se font automatiquement quand on s’approche : les aliments sont aspirés vers notre opossum sans qu’on ait besoin de cliquer pour les manger, les portes s’ouvrent d’elles-mêmes quand on arrive avec une clé, le bouton d’action sert uniquement à déclencher notre piège quand on tente d’échapper aux policiers. Et pas besoin de gérer un inventaire, puisqu’on ne garde dans la poche que le dernier piège ramassé !

Cocoon : la simplicité comme écrin au complexe

cocoon test jsug
Cryptique, atmosphérique, hypnotique !

Dans Cocoon, on n’a clairement pas l’ambition de s’adresser à tout le monde. Il faut aimer les puzzles, les atmosphères contemplatives, les paradoxes en tous genres. L’univers qu’ils ont tissé, les concepts qu’il faut manipuler sont bien compliqués, assez innovants et suffisamment ambitieux pour ne pas en rajouter au niveau des contrôles, et à mon avis, c’est ce qui a motivé leurs choix de design. Il s’agit ici de rendre lisible l’expérience de jeu, de simplifier autant que possible ce qui se dresse entre le joueur et sa compréhension du concept, pour ne garder que l’essentiel : les puzzles, l’ambiance, le voyage. S’il avait fallu garder en mémoire dès le début de la partie toutes les différentes manières d’interagir avec l’univers, Cocoon aurait peut-être perdu beaucoup de son public dans les premières minutes de jeu. Alors qu’en trouvant le moyen de tout contenir dans un bouton d’action, on ne se demande jamais comment enclencher un phénomène, tout notre esprit est libre pour réfléchir à pourquoi, quand, et dans quel ordre faire les choses. Toute la philosophie de Cocoon tourne autour de cette dualité entre la complexité du concept et la magnifique simplicité de l’interaction : aucun texte explicatif, aucun besoin de tutoriel. On suggère, avec des codes couleurs, avec des éléments graphiques qui mettent en évidence ce qui doit l’être, on ferme délicatement les chemins qui ne sont plus nécessaires, pour éviter de perdre le joueur inutilement, on guide passivement, et on compte sur la curiosité de chacun pour trouver l’envie d’avancer sans expliquer clairement les objectifs, juste parce que l’expérience de jeu est fascinante et qu’on a envie de continuer. C’est un choix audacieux, mais qui paie, et qui est fait avec une élégance remarquable.


Deux leçons de game design

Avec le recul, c’est comme ça que je vois Cocoon et Pizza Possum : comme des leçons de ce que le game design peut apporter à une expérience de jeu, de la façon dont il peut souligner, accompagner et se mettre au service d’une intention. Que ce soit pour s’adresser à un large public ou pour sublimer la complexité de l’architecture, ce choix de réduire au maximum le nombre de boutons n’est pas anodin et montre un souci du détail que j’avais envie de mettre en évidence aujourd’hui, pour saluer le travail de ces deux studios. Notons au passage que Pizza Possum est le premier jeu développé par Cosy Computer, et que Cocoon est lui aussi le premier jeu de Geometric Interactive ! Bref, si tu as testé un de ces deux jeux, je serais bien curieuse de savoir ce que tu en as pensé !

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10 réponses

  1. Maintenant je sais la voix que tu as ^^, belle couleur le rouge, j’aime beaucoup ^^

    Je tenterai ces deux jeux, même si ce n’est pas de suite, mais on sait bien que je finis par les faire.

    Cocoon a l’air bien mystérieux mais comme ce n’est qu’une touche, on verra bien ce que mon cerveau donne, plus grand chose mais bon ^^

    Coucou à ton chat

    J’aime bcp Martina Hingis

  2. Mais c’est trop la classe Coline !! Vous assurez trop chez JSUG !! Je me souviens du passage à la TV de Pierre-Yves (il était légèrement plus stressé mais très convaincant aussi).

    Pizza Possum a l’air bien marrant en effet ! Est-ce qu’on peut y jouer à plusieurs ? C’est un genre de party game ? Par contre Cocoon est trop cryptique pour moi… ^^

  3. Coucou Coline,

    Il m’a l’air bien délirant ce petit jeu. Il doit être bien fun à 2.

    Ha mais oui c’est celui que tu avais présenté dans ta séquence télé ^^

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