Harold Halibut et Botany Manor : douceur, science et mélancolie

Il est grand temps d’enfin raconter ici ce dernier passage à la télé de la saison, toujours dans le cadre du Rendez-vous Gaming de la RTS. Accompagnée cette fois de mon collègue du Gamelab de Lausanne Guillaume Guénat, j’ai passé une fois de plus un super moment à chroniquer de nouvelles sorties vidéoludiques sur la première chaîne de télévision romande, dans le JT de midi. Pour célébrer le printemps, on a choisi deux jeux doux et réconfortants : Harold Halibut et Botany Manor. Laisse-moi te présenter tout ça !

Harold Halibut

On a commencé avec Harold Halibut, ses paysages enchanteurs et son charme désuet. Monstrueux travail à la main qui a pris plus de dix ans, ce titre développé par Slow Bros. est un projet hybride, entre jeu vidéo et film d’animation. On y rencontre Harold, homme à tout faire d’un vaisseau immergé dans un océan extraterrestre. C’est un jeune homme tout à fait ordinaire qui se retrouve confronté à des enjeux majeurs sans tout à fait savoir comment trouver sa place.

Avant de vanter les mérites de ce jeu plus en détail, il me semble important d’insister sur le fait que l’équipe de développement vient plutôt du milieu du cinéma : ça se ressent évidemment dans la qualité des animations et dans la patte artistique, mais aussi dans le fait que l’expérience globale est essentiellement narrative, très guidée, et qu’elle offre très peu de variété en termes de gameplay (et quasiment aucune difficulté). Il faut donc garder à l’esprit que Harold Halibut s’adresse d’abord à un public plus néophyte, charmé en premier lieu par les atmosphères, les histoires, la démarche artistique, etc.

Partant de là, ce jeu est une vraie réussite en ce qui me concerne ! J’ai adoré l’ambiance de ce vaisseau, le côté rétro-futuriste amené par les décors en carton (tous faits main, comme on peut le découvrir dans le making-of), le scénario doux, drôle et un peu absurde qui n’arrête pas de prédire des catastrophes pour les désamorcer et qui se joue en permanence de nos attentes. Je donne une mention spéciale aux musiques, qui sont extrêmement bien choisies et sont à l’origine de plusieurs moments très émouvants (notamment dans les cinématiques, qui valent toutes le détour).

On peut toutefois se demander s’il était judicieux d’en faire un jeu, plutôt qu’une mini-série animée. Cette question m’a donné du fil à retordre, mais j’ai quand même la sensation que ce média a permis une chose qui n’aurait pas rendu pareil dans une mini-série : l’occasion de contrôler et de mettre l’accent sur un personnage lambda, pas crucial pour l’histoire, mais néanmoins pont très précieux entre les figures importantes du vaisseau, et à qui on va s’attacher progressivement. J’ai la sensation qu’en série ou en film, on aurait eu plus de mal à apprécier d’être coincé avec lui (et parfois loin de l’action), alors que le fait de le diriger permet un affect plus direct, plus fort, et met ainsi en lumière un personnage qui vaut la peine qu’on fasse l’effort de s’y intéresser.

Botany Manor

Changement d’ambiance, place à Botany Manor et ses puzzles malicieux ! On se retrouve cette fois au 19ème siècle, dans un très beau manoir anglais occupé par une botaniste à la retraite. L’objectif est simple : récolter des indices permettant de faire pousser des plantes exotiques et fantaisistes, en découvrant progressivement les différentes parties du domaine.

Voilà un jeu qui sent bon le printemps, avec de beaux graphismes et une atmosphère agréable. Pas d’urgence ni de stress, le but est d’explorer à son rythme et de recouper les informations pour créer les conditions idéales pour faire pousser chaque nouvelle plante. Il s’agit du premier jeu de Balloon Studios et de mon point de vue, c’est une copie parfaite !

Le premier gros point fort de ce puzzle game, c’est la difficulté, qui augmente de manière extrêmement organique. On sait bien à quel point il est compliqué de doser correctement les énigmes pour que les joueurs aient la sensation d’avoir réfléchi sans pour autant rester frustrés, et ici, je me suis régalée avec l’ingéniosité, la diversité et l’inventivité des puzzles.

En bonus, on a également droit en filigrane à un discours tout à fait pertinent sur la place de la femme dans les sciences à cette époque, à mesure qu’on tombe sur des lettres, cartons d’invitation ou coupures de journaux qui retracent le parcours de notre héroïne et les obstacles qui se sont dressés sur sa route de botaniste. Rien de trop forcé, rien d’obligatoire si on vient là uniquement pour les énigmes, mais c’est une deuxième épaisseur qui m’a beaucoup plu et qui rajoute un peu de profondeur à l’univers du jeu.

On se retrouve ainsi avec deux jeux d’atmosphère, chacun dans son style, avec quelques propos communs : ils parlent de science, ils mettent en lumière des personnages qui luttent pour trouver leur place dans leur environnement, le tout enrobé de douceur, de nostalgie, d’une atmosphère agréable et accueillante. Bref, ces deux titres font beaucoup de bien au moral, et j’espère que tu m’en donneras des nouvelles si tu les testes ! De mon côté, je reprends les chroniques TV à la rentrée, j’aurai encore l’occasion de faire des comptes-rendus par ici au fur et à mesure. J’ai hâte !