Neva et Le Vaillant Petit Page : chroniques indé en demi-teinte

Neva et Le Vaillant Petit Page, deux titres qui ont fait grand bruit cet automne : leur succès est-il mérité ?

Si tu suis l’activité de JSUG, tu sais peut-être déjà que je passe parfois à la télévision suisse pour chroniquer les nouvelles sorties de jeux vidéo dans le Rendez-vous Gaming de la RTS. Mon dernier passage en date était le 30 octobre, et avec mon acolyte Guillaume, on a décidé de présenter deux jeux qui ont fait beaucoup de bruit cet automne : Neva et Le Vaillant Petit Page. Deux jeux que j’attendais depuis longtemps, et deux ressentis qui ont été un poil en-dessous de ce que j’espérais, malgré une très belle proposition de départ. Mais on va regarder tout ça ensemble, et je profite encore une fois éhontément de raconter ici en détail ce que j’ai dû condenser à l’extrême sur le plateau !

Neva

Après le gros succès de GRIS, l’équipe de Nomada Studio était attendue au tournant. On se souvient forcément de cette magnifique direction artistique, de cette poésie et de cette histoire largement métaphorique. Et voilà les développeurs de retour avec Neva, un titre qui promet la solide base de GRIS avec davantage d’accent mis sur le gameplay. Au fil des saisons, on accompagne une femme et un loup dans leur quête : libérer la forêt de ce mal qui la ronge, pour restaurer une harmonie avec la nature.

La première cinématique ne laisse aucune place au doute : les tableaux sont splendides et le style artistique, un peu différent de son prédécesseur, est encore une fois très réussi. J’ai adoré les animations des personnages, la fluidité du mouvement, les palettes de couleurs qui marquent les changements de saison, les moments où la caméra prend du recul pour nous montrer la puissance et l’immensité du paysage environnant. Une fois de plus, ils frappent fort sur le plan visuel et atmosphérique, ce qui m’a mis dans de très bonnes dispositions pour commencer ma partie.

On sent également les efforts mis dans la diversification du gameplay. Même s’ils ont gardé la recette du jeu de plateformes, ils proposent ici une expérience plus variée, avec des puzzles, quelques défis et des combats. Le tout dans un style épuré, qui donne peu de retours visuels (impossible par exemple de connaître l’état de santé de l’ennemi au fil du combat) et préserve sa ligne artistique dans toutes les phases de jeu. Aucun texte, aucune quête, on devine les règles au fur et à mesure ; j’ai trouvé l’ensemble assez élégant.

Mais alors, pourquoi est-ce qu’on sent qu’il va y avoir un « mais » ? Eh bien, je dois reconnaître qu’en sortant du jeu, il m’est resté un petit goût d’inachevé du côté du scénario. Face à l’absence de contexte et au souvenir des métaphores de GRIS, mes attentes concernant l’histoire ont grimpé progressivement à mesure que j’évoluais dans les différents tableaux du jeu, qui dévoilent de plus en plus d’éléments intrigants et soulèvent beaucoup de questions (quel est vraiment ce mal, qui est cette femme qu’on contrôle, quel sera le message global, pourquoi ces ruines dans la forêt, y aura-t-il un twist ?). Et dans le fond, j’ai l’impression que ce qu’on nous raconte reste très « premier degré », avec un final qui nous ramène principalement à notre héroïne et au loup alors que j’aspirais à un discours plus global.

Je pense que ce qui me chiffonne, avec le recul, c’est que j’adore l’idée d’amener un genre très codifié comme le platformer sur des terrains plus poétiques et artistiques. J’adore l’idée d’épurer au maximum les codes du jeu pour en garder l’essence, donner le strict minimum d’indications visuelles pour guider les joueurs et joueuses sans s’encombrer de textes, de niveaux ou de carte. Mais à mon sens, toute la place que ça libère aurait pu servir à développer une histoire soit très ambitieuse, soit très énigmatique, et j’ai la sensation que même ce terrain-là a été simplifié à l’extrême. Et du coup, je me retrouve avec un jeu qui certes m’a fait plaisir sur le moment, mais dont je ne retire pas grand-chose parce qu’aucun de ses aspects n’est inoubliable ou révolutionnaire par rapport aux autres jeux qui existent déjà, alors que j’y plaçais beaucoup d’attentes. Et je pense également que l’héritage de GRIS y est pour beaucoup dans mon ressenti, parce que je n’aurais probablement pas espéré tant d’émotions et de réflexions s’il n’y avait pas eu ce grand frère marquant avant Neva.

Le Vaillant Petit Page

Autre sortie très attendue de ces dernières semaines, ce Vaillant Petit Page qui a, semble-t-il, déjà charmé tout le monde avec sa bande-annonce qui promet des graphismes adorables, une jolie originalité dans le gameplay et une histoire qui peut toucher petits et grands. Héros de sa propre série de livres d’images, Laïus cherche à protéger son royaume du méchant Ragecuite. Mais lorsque ce dernier réalise qu’il est un personnage de livre (et qu’il n’a pas le beau rôle), il trouve le moyen de chasser Laïus… qui se retrouve alors plongé dans la chambre de son lecteur et dans une troisième dimension.

Marchant sur les traces de titres comme A Link Between Worlds, Le Vaillant Petit Page réussit avec talent à allier 2D et 3D. Les univers proposés sont magnifiques, tant dans les pages du livre que dans la « vraie vie », et cette idée de départ permet une belle variété de phases de jeux. Ce que j’ai préféré, ce sont les interactions qui basculent d’une dimension à l’autre, permettant par exemple de faire pencher le livre pour déplacer des objets contenus dans les pages, ou de déplacer certains mots (comme dans Baba is You) pour modifier l’histoire.

J’ai également très envie de faire une mention spéciale au travail de traduction et de localisation, qui est extrêmement qualitatif : les noms des personnages, les jeux de mots, tout ce joli langage à cheval sur les livres pour enfants et le second degré d’adulte est merveilleusement retranscrit en français, et c’est à souligner pour un studio indépendant qui signe ici son premier jeu. On sent que le projet a été conçu avec passion et une réelle envie de plaire à différents publics.

Là où je vais une fois de plus émettre un bémol, c’est dans l’ambition générale du titre. Malgré l’abondance d’idées, de chapitres et de types de gameplay, le jeu reste très facile de bout en bout, et s’applique à maintenir une linéarité forte à chaque étape de l’histoire. Or, avec un matériau de départ aussi fourni, j’aurais adoré pouvoir jongler entre les différents pouvoirs pour résoudre des puzzles complexes ou revenir en arrière jusqu’aux premières pages du livre pour dénicher des secrets en fin de partie. Au final et comme pour Neva, je suis restée un peu sur ma faim par rapport à ce que j’aurais voulu trouver dans ce jeu, malgré d’excellentes bases et une idée forte. Et le résultat, c’est que passée la moitié du jeu, j’ai commencé à trouver le temps long…


Ce que toutes ces réflexions révèlent, à mon avis, c’est que Neva et Le Vaillant Petit Page s’inspirent d’œuvres cultes (Princesse Mononoké ou Ori and the Blind Forest pour le premier, A Link Between Worlds ou Paper Mario pour le second) et proposent des expériences lisibles, essentialisées et abordables de ces grands classiques. En ce sens, on peut les voir comme d’excellentes portes d’entrée pour les novices qui désireraient se lancer dans un platformer poétique ou un jeu d’aventure pas trop difficile. À l’inverse, pour un public plus habitué, je crains qu’ils puissent sembler trop simples ou trop convenus par rapport à ce qui se fait d’autre dans le milieu, comme ça a été le cas pour moi. Néanmoins, je ne veux dissuader quiconque de faire son propre avis, d’autant qu’il s’agit de deux propositions de très bonne qualité, léchées et soigneusement pensées, et qu’elles ont déjà conquis beaucoup de monde ! Si tu fais partie des gens qui ont tenté l’un ou l’autre de ces titres, je serais très curieuse qu’on puisse en parler dans les commentaires pour avoir ton avis !

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2 Responses

  1. Je n’ai pas tenté l’un de ces titres mais je les prendrai quand même.

    Pour The Plucky Squire, je dois encore attendre un peu, il va sortir en boite et Neva il l’est déjà, je crois…

    Pour une fois , c’est bien aussi un jeu simple où tu parcours le titre en avançant sans te prendre la tête. J’ai fait Tinykin à 100%, il était facile, mais j’avançais tout le temps, et c’était chouette, plaisant à faire et addictif. Lui aussi est un mix de plusieurs jeux mais je le recommande, j’ai beaucoup aimé ce titre.

    Pour moi, c’est tout bon, cela me fait une transition dans mes jeux chronophages.

    Comme par exemple Ender Lilies : Quietus of the knights. Je l’ai platiné, j’ai réussi jusqu’au bout 40h tin mais je l’ai ouééééééééééééé et en fait , il n’est pas si dur que ça. Le plus dur dans ce jeu, c’était les sauts à effectuer pour récupérer certaines choses comme les fragments etc mais on n’est pas obligé d’avoir la map tout en orange pour le platine, donc j’ai pu éviter 3 sauts horribles à faire, t’imagines même pas la joie que j’avais quand le platine à fait pop et que je ne devais pas faire ces fameux sauts mais c’était juste 3 cases qui ne sont pas devenues orange sur tout le reste qui est énorme.

  2. C’est dommage que la difficulté n’a pas été rehaussé dans the plucky squire ça aurait pu attirer un public plus important. Enfin je crois…

    J’ai bientôt fini Selfloss je te dis bientôt ce que j’en pense 😉

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