La série The Last of Us : quand HBO appuie sur le champignon

Que vaut donc la série The Last of Us ? Découvrez notre critique de l'œuvre créée par Neil Druckmann et Craig Mazin !

Pour ceux qui suivent JSUG.com depuis un moment, vous êtes probablement au courant : j’adore la franchise The Last of Us. J’ai rédigé un test de The Last of Us Part 2, j’en ai parlé dans mon article sur la manière dont le jeu vidéo raconte la violence, et c’est même la franchise que je choisis quand je donne des cours sur l’approche critique des jeux vidéo. Bref, j’ai une légère obsession. Du coup, vous imaginez bien que l’annonce d’une série HBO m’a instantanément fait griller le cerveau. Aujourd’hui, on va parler un peu de la série The Last of Us et voir ce que ça vaut !

Une série avec champignon sur rue

Pour celles et ceux qui ne connaissent pas l’univers de The Last of Us, il s’agit à l’origine d’un jeu vidéo post-apocalyptique sorti sur PS3 en 2013. On nous conte l’histoire de Joel, un père qui a tragiquement perdu sa fille lorsque le cordyceps, un champignon, a contaminé le monde et transformé les êtres humains en infectés. Quelques années après la catastrophe, il rencontre Ellie, une jeune fille spéciale, seule humaine connue à être immunisée contre le champignon. La mission de Joel : emmener Ellie auprès des Fireflies (un groupe de résistants qui lutte contre la FEDRA, les restes des gouvernements) afin de développer un vaccin.

Dès le départ, le studio à l’origine de The Last of Us, Naughty Dog, a mis les petits plats dans les grands. Il n’est pas rare pour les studios de faire appel à des experts sur certaines questions, comme des historiens et historiennes dans le cas des jeux Assassin’s Creed. Aussi Naughty Dog a-t-il fait appel à David Hughes, expert en entomologie et en biologie du CIDD (Centre for Infectious Disease Dynamics). L’idée était de consulter un spécialiste afin de produire une histoire plausible du point de vue biologique.

Test de The Last of Us 2
Le monde de The Last of Us est juste magnifique dans les jeux !

Le second point sur lequel le studio a mis le paquet, c’est l’aspect psychologique. Ainsi, Naughty Dog a fait appel à Tomas Chamorro-Premuzic, spécialiste en psychologie et traumatisme. L’idée était de s’assurer de représenter au mieux les réactions des survivants. D’un côté, on a énormément de films, de séries, de mangas ou de jeux vidéo post-apocalyptiques, mais dans The Last of Us, le studio voulait parler de la cohabitation entre les gens du monde d’avant qui ont vécu le cataclysme et les gens nés dans le monde d’après.

Ainsi, comment Ellie, née dans un monde ravagé, pourrait-elle vivre son quotidien ? C’est une question qui n’est pas simple du tout. En effet, du point de vue psychologique, ce qui se rapproche le plus de la situation d’Ellie, c’est le vécu des enfants soldats dans certains pays en guerre. Dans un article sur le sujet de Marie-Laure Daxhelet et Louis Brunet, on apprend que les réactions peuvent être multiples. Certains vont mettre en place des stratégies de coping, c’est-à-dire des stratégies psychologiques pour adapter leur identité de manière à pouvoir supporter des évènements atroces, et potentiellement commettre des atrocités.

Série The Last of Us
Bella Ramsey et Pedro Pascal sont juste parfaits !

Chez ces enfants, on note une forme de déni du passé, une sorte de « paradis perdu » qu’ils voient dans leur famille, à laquelle ils ont été arrachés, passé souvent complètement occulté dans leur quotidien violent. Dans The Last of Us, Ellie a un passé particulièrement difficile. C’est une orpheline qui semble être habituée au monde dans lequel elle vit. Elle est résiliente et s’adapte au fur et à mesure de l’histoire. Il faut du temps, tant dans la série que dans le jeu vidéo, pour qu’elle se déconstruise et que Joel, et les spectateurs, l’atteignent réellement.

Un élément de comparaison qui me vient en tête lorsque je pense au soin que le studio a apporté au volet psychologique des personnages, c’est The Walking Dead, où les relations sociales des survivants prennent, à mon sens, beaucoup plus de place que les zombies. Je pense que c’est l’attention apportée aux personnages qui a fait de The Last of Us une icône dans le monde du jeu vidéo. Un tel statut iconique représentait à la fois une opportunité et un fardeau pour HBO, qui s’est chargé de faire la série. En effet, la série a bénéficié d’une attention énorme avant même sa parution, mais d’un autre côté, cette attention était assortie d’attentes gargantuesques.

La série The Last of Us, un win-win sur toute la ligne ?

Série The Last of Us
Je trouve certains plans vraiment inspirés !

Je pense qu’il faut répondre à cette question en deux temps. On va parler rentabilité, mais également de narration ! Comme dans toute production dans le domaine de la culture populaire, la première motivation est bien sûr de faire de l’argent. De ce point de vue, le succès est double. La série est un succès tant pour la critique qu’auprès du public, avec une note de 96 % pour les critiques et de 94 % pour le public sur Rotten Tomatoes. Visiblement, l’accueil a été tel que Craig Mazin, co-créateur, scénariste et producteur exécutif de la série, et Neil Druckmann, directeur créatif du jeu vidéo, ont déjà confirmé qu’une saison deux est dans les bacs.

Cette confirmation est un tour de force pour plusieurs raisons. Premièrement, comme je l’ai dit plus tôt, les attentes étaient énormes, et que, comme on le sait, le public du gaming peut être parfois retors, mais aussi parce qu’il faut ajouter à ça le fait que le budget de la série était particulièrement élevé : 10 millions de dollars par épisode. Cela reste loin des 40 millions de dollars de la série Le Seigneur des Anneaux, mais cela reste important.

Série The Last of Us
Pedro Pascal et Bella Ramsey ont eu peur lorsqu’ils ont vu les Clickers.

Mais le succès économique ne concerne pas que la série. En 2013, lors de la sortie de The Last of Us sur PS3, 3,4 millions de copies avaient été vendues moins de trois semaines après son lancement, en sachant que le jeu était une exclu PS3. À la suite de la parution du premier épisode de la série d’HBO, les ventes du jeu ont augmenté de 300 % rien qu’au Royaume-Uni et ont à nouveau propulsé le jeu dans le top 20 des ventes. Après le dernier épisode, c’est The Last of Us Part 2 qui a vu ses ventes augmenter. Aujourd’hui, les ventes de la franchise s’élèvent à 37 millions de copies vendues en tout. Bref, économiquement, il ne fait aucun doute que produire une série The Last of Us était le bon move.

Cross-média et transmédia

Série The Last of Us
La série a des bloaters !

Cette stratégie économique a un nom : le transmédia. Il existe deux approches qui peuvent être confondues : le cross-média et le transmédia. Le cross-média, en gros, c’est lorsque vous proposez le même contenu, mais sur différents médias. L’exemple qui me vient en tête, c’est le premier tome d’Harry Potter. Les contenus du premier tome et du premier film sont fortement similaires. En revanche, le transmédia consiste à étendre un univers sur plusieurs médias et à proposer des contenus différents. Le jeu Hogwarts Legacy : L’Héritage de Poudlard est un exemple de contenu transmédiatique. Le contenu est complètement différent des livres et des films, il s’agit d’une toute nouvelle histoire qui vient s’ajouter à l’univers fictionnel existant.

Et The Last of Us, qu’est-ce que c’est ? Eh bien, je dirais que c’est un peu des deux. D’un côté, on nous raconte exactement la même histoire, mais d’un autre, la série prend des libertés sur certains points et en profite pour nous raconter d’autres choses. Léger spoiler : je vais prendre l’exemple de Bill et Frank, deux personnages dont on apprend l’histoire dans le jeu. On découvre Bill, un survivaliste qui, au moment où on le rencontre, est seul. On apprend qu’il avait un partenaire, mais qu’il a disparu. On le retrouve plus tard pendu et plein de morsures d’infectés, il a choisi le suicide plutôt que de risquer la vie de Bill.

Guitare The Last of Us 2
Je me réjouis de la seconde saison !

L’épisode 3 de la série leur est entièrement dédié ! Ici, pas de Joel ou d’Ellie, ou en tout cas, très peu. On découvre Bill, toujours survivaliste, seul, mais qui rencontre Frank, qui débarque un peu sans prévenir. Au gré de leur première journée de rencontre, on comprend vite que les deux hommes sont attirés l’un par l’autre, et ils finissent ensemble. L’épisode entier est une ode à l’amour. Vous vous souvenez lorsque je vous ai parlé de douceur dans la franchise The Last of Us dans mon dernier dossier ? Je vous expliquais que TLOU excellait à nous proposer des contenus attendrissants pour contraster avec l’ultra violence générale du titre. Eh bien, la série fait très bien ça aussi. Pas d’infectés, un peu de combats, mais sans exagéré. Et une fin que j’ai trouvé magnifique, qui n’a pas manqué de me faire fondre en larmes. C’était beau, différent, parfait. Fin du spoiler.

De manière générale, les contenus médiatiques partagent toujours un peu de cross-média et de transmédia ; il est rare qu’une franchise soit totalement dans l’un ou dans l’autre. Craig Mazin et Neil Druckmann ont parfaitement compris que la série pouvait apporter plus qu’une simple redite de l’histoire du jeu : une sérié télévisée, ça ne fonctionne pas comme un jeu.

Série et jeu vidéo, des codes et des usages spécifiques

comment le jeu vidéo raconte la violence
La série est moins violente que le jeu.

Il faut bien garder en tête que les codes et usages diffèrent d’un média à l’autre. Le contenu de l’histoire de The Last of Us peut être investi de manière très différente en fonction du média dans lequel l’histoire est racontée. Dans le jeu, la violence et les infectés ont un rôle particulièrement central, étant donné que cela permet d’introduire des mécaniques de jeu et de l’enjeu. Comme je l’expliquais dans mon article sur Comment le jeu vidéo raconte-t-il la violence ?, le gameplay des jeux vidéo est très souvent basé sur la notion d’affrontement.

Ainsi, dans le jeu The Last of Us, les infectés donnent naissance à différentes mécaniques. Les infectés de base provoquent directement des affrontements, dans lesquels les joueurs et joueuses doivent faire preuve d’adresse et de skill afin de venir à bout des ennemis. Les Clickers, eux, sont un peu différents. Ils sont tellement dangereux pour les avatars que c’est plutôt des mécaniques d’infiltration qui sont mises en place. Ensuite, on a bien sûr d’autres ennemis, comme les humains ou certains mini-boss infectés qui viennent ajouter d’autres types de challenge.

Cheval TLOU 2
Le voyage prend moins de place dans la série que dans le jeu.

Si maintenant, on se penche sur la série, une chose est claire : les infectés n’occupent pas tant de place que cela. Dans une série, s’il y a des ennemis qui attaquent les personnages toutes les cinq minutes, l’effet va être justement d’amoindrir les enjeux des affrontements. Pour que les apparitions d’infectés soient efficaces, il est nécessaire qu’elles soient ponctuelles et marquantes. Là où la série excelle, c’est d’avoir pu identifier les points forts de l’univers de The Last of Us qui fonctionnent bien en série.

Ainsi, moins d’importance est laissée aux affrontements et aux déplacements, ce sont les relations entre les personnages qui occupent toute la place. Je suis assez étonné du rythme de la série. Réussir à raconter une aventure pouvant aller jusque 25 heures pour le jeu en neuf épisodes tout en prenant de belles libertés (comme dans l’épisode trois) relève de la prouesse. Bref, vous l’aurez compris, je vous recommande vivement de regarder la série The Last of Us !

À présent, j’attends avec impatience la seconde saison, qui devrait porter sur l’histoire de The Last of Us Part 2. Adapter le second volet ne va pas être de tout repos, étant donné que Naughty Dog avaient énormément lié la narration et les mécaniques de jeu pour faire ressentir des émotions précises aux joueurs et joueuses. Son adaptation en série va demander, à mon sens, encore plus de doigté que la saison une. À voir ce qu’ils vont en faire !

PARTAGER SUR :

Facebook
Twitter
LinkedIn
Pinterest
Email

Publications suggérées

4 Responses

  1. De ce que tu dis, The last of us version série, s’est rapprochée de The Walking dead, les personnages prennent plus d’importance et les infectés moins présents. On met en scène chaque personnage, son histoire, son parcour, il y a de la joie, de la haine, de la peur, des doutes….le tout la survie.

    Après je ne regarde pas ces séries, ni films d’horreur, je n’aime pas, ça me travaille trop après, j’évite, ce qui est le contraire dans un jeu, parce que là je peux me défendre manette en main , que juste regarder.

    Les jeux vidéo adaptés en film ne sont souvent pas très bon, Tomb raider, j’ai vite zappé, Hitman récemment vu, c’est de la daube complète, même pas terminé le film, acteur mal choisi pour jouer l’agent 47. Incarné un tel personnage, il faut tellement de charisme, que lorsque tu mets quelqu’un qui n’en a pas, cela se voit immédiatement.

    The walking dead série, bouquins et jeux vidéo, c’est pas mal du tout. Ce sont des séries plus faciles, je trouve au contraire, parce que tu peux aller dans tous les sens pour un scénario, tu peux les couper en tellement de petites histoires, qui se relient, la preuve dans walking dead et pour moi, c’est une vraie bonne idée.

    Fin bon ce n’est que mon avis

    1. Après, le dernier Tomb Raider, je l’ai trouvé pas mal, j’avais vraiment l’impression d’être devant le jeu. Hitman, j’ai pas aimé du tout xD

      Je ne savais pas que tu n’aimais pas les films d’horreur !

  2. Une analyse et un avis que je rejoins tout à fait ! De mon côté, ça m’a fait plaisir de voir les personnages mis ainsi au coeur de l’histoire, avec le développement de certains comme Bill. Par moments, ça manquait quand même un peu d’infectés, mais chaque épisode était beau et poignant à sa manière. Merci pour ce que tu m’apprends aussi,comme l’aide d’un expert psy en traumatisme – cela ne m’étonne pas de voir ainsi comment ont été reproduits les stress post-traumatique de Joel, ou encore l’attitude d’Ellie, qui au début étonne par son agressivité et sa fascination de la violence. Mais cela fait entièrement sens dans ce monde…

    1. Merci pour ton commentaire 🙂

      The Last of Us, c’est vraiment un univers qui m’apprend plein de choses, à chaque fois que j’essaie de comprendre pourquoi une chose a été faite d’une telle manière il y a toujours une floppée de raisons qui se présentent ! 😀

Laisser un commentaire

Je suis un gameur.com utilise des cookies. En poursuivant votre navigation sur ce site web, vous acceptez leur utilisation. Plus d’informations

Conformément au Règlement Général sur la Protection des Données (RGPD) et à la loi nationale en vigueur, vous êtes informés que vos données font l'objet de traitements. Pour plus d'informations, vous êtes invité à consulter les mentions légales et conditions d'utilisation du site, qui déterminent notamment quelles données sont collectées et traitées, dans quelles finalités (dont des activités de marketing et de prospection), qui en sont les destinataires et quelle est la durée de conservation. Les droits dont vous disposez ainsi que les modalités d'exercice de ceux-ci y sont également exposés.

Fermer